On peint pour oublier de se suicider (chaque toile étant déjà un fragment qu’on laisse de soi), pour intégrer le mal (et le représenter positivement), pour en finir avec cette difficulté à exister. Le processus de destruction est intégré, et les arrangements laissés à l’abandon. La probabilité du meurtre (de Francis Heaulme à Charles Manson) est partout, toujours couplée à l’espoir, celui du surgissement de l’événement. Nous attendons la sensation, le bon rythme, l’accord (presque) parfait. Les œuvres iront à ceux qui ont la foi, en Dieu (qui gagne à être connu) comme dans un trait. A ceux qui savent plier le genou pour obtenir, à ceux qui croient sans avoir vu. L’art a cette dimension sacrée, il faut puiser dans ses mythes (du moine copiste à la rock star) car « le spontané de l’homme c’est sa culture » disait Barthes. Il y a des siècles d’histoire dans un geste, et c’est à nous d’accommoder les restes. C’est en se confrontant à la matière et en intégrant la présence de la mort (à l’eau de rose) qu’on s’inscrit dans le monde avec intensité. L’expressionnisme est brutal comme la vérité. A l’intact, j’ai toujours préféré le tranchant. Et ce tranchant je le veux ambigu. On égorgera les combinaisons d’atomes, on dissociera, on interpellera, on exterminera, on foudroiera, on sera la perfection des derniers morts ou la singularité des nouveau-nés, on fera les choses vite, on percevra sur un mode inhabituel. On aura le degré de liberté que notre audace aura réussi à conquérir. Pour le moment, ici, l’odeur des fleurs rendra l’estime du sexe. Tout finit en pyrotechnie, énergie fulgurante en pure perte, dans le charme d’un bouquet final.
Stéphanie-Lucie Mathern, in Etude pour un suicide à l’eau de rose, monographie, chicmedias éditions, 2019